Les spams sont bien cachés là où on ne regarde jamais. Pourtant ils sont là et quand on ouvre la boîte qui porte leurs noms, que se passe-t-il? Un peu comme un réflexe, moi je cherche le message désiré, celui qui ne serait pas passé du bon côté. Celui qui aurait provoqué un acte manqué. J’imagine la scène comme dans un feuilleton: je tomberais sur ce spam tant espéré et, toute surprise, je l’ouvrirais mon cœur battant la chamade sur une musique émotion. Voilà ce que je me dirais «C’était donc cela. Ils m’avaient fait ce sale coup mais s’en étaient désolés ensuite et avaient reconnu leurs torts par mail. Et ce courriel a atterri dans mes spams. Je ne les ai jamais revu et quand Fredo du boulot m’a dit «vas voir dans tes spams j’ai un soucis de boite mail» je suis tombée des nues quand j’ai lu leurs plates excuses.» Hé non pas du tout, rien, nada. Ce message, je l’attends toujours.

Je le cherche quand je pense à aller voir du côté des escrocs de mes spams et personne n’est là pour me dire «pardon pour tout ça». Les hypnothérapeutes narcissiques, les agents immobiliers véreux, les cadres de santé pervers, les collectifs d’artistes calamiteux, les fonctionnaires téléphoniques sadiques, les obsédés du cul puissants, et tous les autres capitalistes libéraux sont pourtant bien ici. Et leurs newsletter aussi. Ils veulent me niquer et me vendre leur camelote dont je me fous totalement. Ce que j’attends ce sont des excuses et à la place je me tape un «Toute l’équipe te souhaite une belle journée» qui me fait fulminer. Une provocation, une agression, un smiley violence qui cligne de l’œil en souriant. Victime de mon optimisme, j’attends encore et toujours ce pourriel de mes ennemis. Et les rares fois où j’ouvre mes spams j’y crois encore un peu. Quelques mots exprimant le regret de ceux qui m’oublient, me dénigrent, osent me dire comment je dois m’habiller et me coiffer, comment je dois agir, élever mes enfants et imaginer leur monde. Pensées étriquées qui m’étouffent. Malgré tous mes espoirs, une partie de moi le sait, ce message n’arrivera jamais. Aussi atomisé que moi dans leurs grandes maisons ou dans leurs open space, ils attendent en regardant insta sur leurs téléphones, tout en posant leurs pêches aux chiottes. Ils attendent donc que quelque chose se passe, mais rien n’arrive. Le monde continue de tourner comme si de rien n’était. Ils s’entourent de plein de gens avec qui ils font des fêtes le soir et jamais la journée pour que les enfants soient couchés et ne puissent pas participer. Ils nous poussent à remplir des papiers, à les parapher et à les signer. Ils nous disent une chose et puis son contraire et nous regardent en levant les yeux au ciel comme si nous étions le problème. Ils sont comme nos ex les plus nocifs, les nuisibles. Ceux qu’on évite et qui font peur. Ceux qui nous ont fait nous sentir en dessous de tout.

Toi qui me lis, tu es peut-être déjà tombé sur quelqu’un.e qui a eu des comportements ultra toxiques car cette société axée sur la rentabilité, la compétition et une apparente réussite en est farci. Et j’en suis convaincu maintenant, j’ai attendu si longtemps, ils ne nous écriront pas. N’hésiterons pas à nous silencier si ça les arrange. Et ferons comme si c’était notre choix de partir et d’aller nous cacher dans un trou de souris. Pardonnons nous d’avoir un jour croisé leurs chemins. D’avoir été pétrifié/sidéré par leurs mépris. Au fond, ils pensent à nous quelque part très loin. Ils ne le voudraient pas mais nous sommes bien là, enfouis en eux. Nous sommes les spams cachés dans leur petite boîte mail. Ils ne veulent pas nous regarder pour pouvoir tranquillement oublier pour toujours tout le respect qu’ils nous doivent. Nous sommes leurs hontes. Ils n’ont pas le courage de nous faire face. Ils ne nous écriront pas mais nous les hanteront à jamais comme une douleur sourde. Je leur dédie ce texte avant de les mettre définitivement à la corbeille de ma vie. Peut-être nous croiserons-nous en enfer. Ou peut-être pas. Ciao les nazes. Je vous déteste.

Mumu Colère